Un sentier au parfum de maquis et de sel
En Corse, on ne marche jamais tout à fait seul. Entre les odeurs puissantes du maquis, le chant des cigales et l’écho des anciens muletiers, chaque pas résonne comme un hommage à l’île sauvage et fière. Le Mare a Mare, fidèle à son nom poétique, relie la mer à la mer, mais aussi l’histoire à la nature, et l’intime à l’infini.
Ce sentier mythique, bien que moins connu que le célèbre GR20, mérite largement une place dans le cœur des randonneurs. Il traverse l’île du sud au nord ou d’est en ouest, selon l’itinéraire choisi, serpentant entre villages perchés, forêts denses, torrents cristallins et reliefs déchiquetés. Sa particularité ? Un doux équilibre entre défi physique et immersion profonde dans l’âme corse.
Trois sentiers pour une même promesse
Il existe en réalité trois tracés principaux du Mare a Mare :
- Mare a Mare Nord : de Moriani-Plage à Cargèse, il traverse la Haute-Corse d’est en ouest.
- Mare a Mare Centre : entre Ghisonaccia et Ajaccio, il coupe l’île en diagonale au centre.
- Mare a Mare Sud : de Porto-Vecchio à Propriano, un parcours plus accessible mais tout aussi envoûtant.
Chaque itinéraire offre une palette singulière de paysages et de villages typiques. Mais tous promettent une chose : le sentiment d’un voyage hors du temps, où le corps avance en même temps que l’âme s’ouvre.
Entre mer et montagne : le sud corse autrement
Mon coup de cœur personnel ? Le Mare a Mare Sud. Moins fréquenté que les grands classiques et pourtant d’une richesse sensorielle inouïe. Le départ se fait à Porto-Vecchio, bras tendus vers la Méditerranée. En y posant le pied dès les premières lueurs du matin, on sent déjà que quelque chose va basculer. Et effectivement, quelques kilomètres plus loin, en quittant les plages dorées, on pénètre un autre monde : celui de l’intérieur, de la Corse authentique.
Les étapes s’égrènent entre forêt de l’Ospédale aux accents presque canadiens, sommets calcaires baignés de lumière et hameaux figés dans le temps. Chaque pause devient une leçon d’humilité — ici, la roche parle autant que les hommes.
Des rencontres en chemin
Je me souviens tout particulièrement d’une halte improvisée à Serra-di-Scopamène. Un village discret accroché à flanc de colline. Alors que le soleil déclinait, une grand-mère en robe fleurie m’a interpellée à l’ombre de son figuier :
“Tu fais le chemin, toi aussi ? Repose-toi un peu, le four vient de s’éteindre.”
Ce soir-là, j’ai goûté à la meilleure torte aux herbes de toute ma vie, enveloppée du rire rugueux – mais tendre – d’une Corse qui avait beaucoup vu, beaucoup vécu. Et c’est là l’essence du Mare a Mare : avancer, oui, mais savoir aussi s’arrêter, écouter, partager.
À qui s’adresse le Mare a Mare ?
Contrairement à son grand frère le GR20, le Mare a Mare s’adresse à un public plus large. Pas besoin d’être ultra-sportif (même si de bonnes jambes sont toujours un plus !), ni d’avoir un équipement dernier cri. Les étapes varient de 10 à 20 km environ, et des gîtes, refuges ou chambres d’hôtes accueillent les marcheurs dans la plupart des villages traversés. Le balisage orange guide le pas avec bienveillance.
C’est un itinéraire parfait pour :
- Les amoureux de la nature qui souhaitent découvrir une Corse plus confidentielle
- Les familles avec adolescents (surtout sur le Mare a Mare Sud, plus doux)
- Les globe-trotteurs en quête d’authenticité et de lenteur
Le Mare a Mare se savoure comme un bon vin : à température humaine, à petites gorgées.
Petit guide pratique pour grands pas
Avant de partir, quelques points à garder en tête :
- Meilleure période :mai à octobre, avec une préférence pour le printemps, quand le maquis explose de couleurs et de senteurs (la myrte, la lavande, l’immortelle… un vrai festival pour les narines).
- Équipement : chaussures de rando, bâtons si vous aimez soulager vos genoux, sac léger mais bien pensé (eau, en-cas, trousse de secours, carte, veste imperméable… la base !).
- Hébergement : mieux vaut réserver, surtout en périodes de vacances scolaires. L’accueil est chaleureux, souvent familial, et les repas constituent un moment à part entière.
- Transports : en Corse, on jongle souvent entre bus locaux, navettes ou covoiturage. Pensez à organiser votre retour à l’arrivée du trek.
Les saveurs du chemin
Impossible de parler du Mare a Mare sans évoquer les escales gourmandes. Là, entre deux pas, la Corse raconte aussi ses secrets culinaires.
Au détour d’un sentier, on tombe sur un producteur de fromage de brebis, un apiculteur passionné ou une table d’hôtes où l’on redécouvre le goût de la farine de châtaigne et du cabri confit. Ajoutez à cela un verre de vin rouge de Sartène ou un muscat pétillant de Cap Corse, et chaque fin d’étape devient festin.
Pour les amateurs de douceurs : ne repartez pas sans goûter les canistrelli, ces biscuits secs parfumés à l’anis ou au citron. Parfaits pour accompagner une pause contemplative en surplomb d’un vallon…
Quand la randonnée devient un acte d’amour
Le Mare a Mare n’est pas seulement un sentier. C’est le fil invisible qui relie des mondes qui s’ignorent parfois : la côte turquoise, les landes sauvages, les ruelles pavées, les mémoires orales, les silences vibrants.
Ce chemin est un mot d’amour chuchoté à l’oreille de l’île. Et si vous prenez le temps de l’écouter, elle vous le rendra au centuple. Chaque montée, chaque souffle, chaque rencontre devient alors partie prenante d’un récit plus vaste : celui d’une île debout, fière, multiple… et profondément accueillante.
Alors, que vous soyez adepte d’itinérance ou simple curieux du monde, pourquoi ne pas vous laisser tenter par cette traversée à hauteur d’homme ? Le long du Mare a Mare, plus que nulle part ailleurs, on apprend qu’en voyage, l’essentiel n’est jamais la destination… mais le chemin.