Marcher en Italie, c’est un peu comme feuilleter un carnet de voyage ancien, dont chaque page dévoile un paysage de carte postale, une histoire romanesque ou un plat de nonna à l’odeur enivrante. Des crêtes alpines du nord aux falaises ensoleillées du sud, la Botte offre une diversité de sentiers pour les randonneurs curieux, les contemplatifs, les passionnés d’histoire ou les amoureux de nature sauvage.
Quand on lace ses chaussures de marche sur le sol italien, on ne prépare pas seulement une randonnée, on se prépare à traverser des siècles, à poser ses pas dans ceux des bergers, soldats, moines et voyageurs d’un autre temps. Voici une sélection inspirée et testée de nos plus beaux itinéraires de marche, du nord au sud de l’Italie. Une invitation au voyage… sur la pointe des pieds.
Les Dolomites, l’âme des Alpes en technicolor
Il y a des montagnes qui vous regardent droit dans les yeux. C’est le cas des Dolomites, ce massif classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, où les sommets découpés dans le ciel se parent de teintes roses au lever du soleil. Une expérience presque irréelle.
Pour une première immersion, le sentiero delle Odle dans le parc naturel Puez-Odle est un véritable coup de cœur. Accessible depuis la vallée de Funes, le sentier serpente à travers d’immenses alpages bordés de pins, menant jusqu’à des panoramas époustouflants sur les cimes acérées du groupe Odle. L’ambiance y est pastorale, quasi mystique. On croise quelques randonneurs, mais surtout des vaches curieuses et le silence d’une nature intacte.
Plus exigeant, mais mythique, le Tre Cime di Lavaredo propose une boucle de 9 km autour de ces trois aiguilles emblématiques. C’est ici que l’on comprend pourquoi cette région fait chavirer les photographes du monde entier. Le parcours est bien balisé, ponctué de refuges conviviaux où partager une assiette de canederli bien méritée (ces fameuses boulettes de pain typiques du Tyrol du Sud).
Les Cinque Terre, entre terre, mer et vignes en terrasses
Imaginez une palette de couleurs pastel accrochée à une côte escarpée : bienvenue aux Cinque Terre, ces cinq villages suspendus entre ciel et mer, que l’on explore au rythme des sentiers en corniche. Ici, chaque pas se savoure lentement, entre rangées de vignes en terrasse, parfums de citronniers et appels des mouettes en contrebas.
Le plus célèbre itinéraire demeure le Sentiero Azzurro, ou « sentier bleu », qui relie les cinq villages (Monterosso, Vernazza, Corniglia, Manarola et Riomaggiore) sur une vingtaine de kilomètres. Certaines portions restent fermées suite à des glissements de terrain, mais d’autres, telles que celle entre Monterosso et Vernazza, offrent des vues d’une rare intensité poétique.
Attention, ce n’est pas une promenade de bord de mer… les escaliers sont nombreux et le soleil ardent en été. À vos gourdes (et vos mollets) ! Une halte à Vernazza pour un pesto frais ou une focaccia encore tiède suffit à redonner des ailes. À noter, l’accès à certaines portions est payant — une particularité à prendre en compte pour organiser sa journée.
La Toscane, entre collines, cyprès et vieilles pierres
S’il est une région qui éveille les sens autant que l’esprit, c’est bien la Toscane. Ici, la randonnée devient une ode à la lenteur, une dégustation tranquille du paysage. On ne se presse pas. On respire, on observe, on converse avec les oliviers (ils nous répondent parfois).
Parmi les itinéraires les plus spirituels, le Via Francigena mérite le détour. Chemin de pèlerinage médiéval reliant Canterbury à Rome, il traverse la Toscane de part en part. La portion entre San Gimignano et Monteriggioni offre environ 30 kilomètres enchanteresques : chemins de terre battue, abbayes solitaires, fermes anciennes, et ces paysages vallonnés qui semblent tout droit sortis d’une peinture de la Renaissance.
Pour les plus contemplatifs (et les gourmets), optez pour la balade autour de Pienza, joyau de la Val d’Orcia, classée elle aussi par l’UNESCO. Entre deux points de vue photographiques, une dégustation de pecorino local ou un verre de Vino Nobile à Montepulciano n’est jamais bien loin.
Les Apennins, la colonne vertébrale sauvage de l’Italie
Méconnus mais profondément séduisants, les Apennins s’étirent tout au long de la péninsule comme un dos d’âne où l’on marche à l’écart du tumulte touristique. Ici, le randonneur trouve la solitude, la magie brute des grands espaces, et parfois, l’étonnement de croiser une meute de loups (de loin, rassurez-vous).
Le Parc national des Abruzzes, au cœur du massif, est un trésor de biodiversité où vivent ours marsicains, cerfs et chamois d’Apennin. Le sentier de la Camosciara, facile et riche en fresques naturelles, mène à une succession de cascades nichées dans un cadre enchanteur. En automne, les forêts se teintent d’or et les odeurs de champignon et de terre humide vous accompagnent à chaque pas.
Pour les plus aguerris, le mont Corno Grande dans le massif du Gran Sasso offre l’ascension la plus haute des Apennins à 2 912 mètres. La vue depuis le sommet embrasse littéralement la moitié de l’Italie. Une montée qui demande de la forme et de la prudence, mais quelles récompenses au sommet !
La côte Amalfitaine, splendeur suspendue
Ah, la côte Amalfitaine… Elle fait rêver, avec ses falaises plongeantes, ses petites routes sinueuses et ses jardins en terrasse. Mais c’est à pied que l’on perçoit vraiment son âme — comme une vieille diva magnifiquement cabossée, mais encore vibrante de lumière.
Le sentier le plus emblématique ? Le Sentiero degli Dei, ou “sentier des dieux”, entre Bomerano (près d’Agerola) et Nocelle, petit hameau perché au-dessus de Positano. Environ 7 km de pur enchantement à flanc de falaise, suspendus entre ciel et mer, avec une végétation méditerranéenne qui embaume et des vues à faire soupirer les plus blasés.
Le chemin est bien dessiné, accessible même à ceux qui ne randonnent pas tous les dimanches, mais reste aérien par endroits. On y croise des chèvres, et parfois, des artistes silencieux venus peindre la lumière. À l’arrivée à Nocelle, une citronnade bien fraîche face à Positano est la cerise sur le gâteau (au citron, évidemment).
La Sicile, la marche volcanique entre feu et mer
Enfin, cap sur le sud, là où la Terre parle plus fort, où la nature impose sa démesure. En Sicile, marcher, c’est fouler les pentes d’un volcan actif, longer des criques sauvages et plonger dans des traditions millénaires. Un théâtre à ciel ouvert.
Impossible de ne pas mentionner l’Etna. Explorer ses flancs, c’est comme fouiller les entrailles d’un mythe. Plusieurs sentiers s’offrent au marcheur, accommodés selon la difficulté. Le parcours depuis le Rifugio Sapienza vers les cratères Silvestri offre déjà un beau panorama et une ambiance lunaire. Pour ceux qui souhaitent aller plus haut, les excursions guidées vers les cratères sommitaux permettent de s’approcher de la bouche en activité (selon les conditions).
Pour une atmosphère plus marine, cap sur les îles Éoliennes, au nord de la Sicile. L’île de Stromboli, avec sa randonnée en nocturne vers le sommet du volcan, est une expérience hors du commun. Là-haut, face à la mer noire comme de l’encre, on observe les gerbes de lave illuminer le ciel. Un moment suspendu, entre frisson et émerveillement.
Un appel au voyage lent et vibrant
L’Italie ne se limite pas aux tableaux de musées ou aux piazzas animées. Elle se révèle en marchant, en prenant le temps. Chaque pas ouvre une nouvelle scène, chaque souffle s’imprègne d’une senteur, chaque recoin évoque un récit : l’érosion d’un rocher, l’écho d’un dialecte, ou la mémoire d’un antique chemin.
Ces itinéraires ne sont que quelques perles d’un collier bien plus vaste. Mais chacun, à sa manière, incarne l’âme plurielle de l’Italie. Alors… quelles chaussures allez-vous enfiler demain ?