Il y a des terres qui se parcourent en silence, à l’écoute du vent, du pas qui crisse sur les cailloux, du chant d’une bergeronnette cachée entre les chênes verts. La Corse, l’île de beauté, en fait partie. Ici, la nature semble encore parler une langue originelle, rugueuse et généreuse, que seuls les marcheurs attentifs savent entendre. Pour qui aime se perdre — ou se retrouver — à travers sentiers escarpés et panoramas à couper le souffle, la Corse offre un terrain de jeu sans pareil.
Que vous soyez randonneur aguerri ou simple amoureux de balades en pleine nature, l’île vous tend ses bras… souvent bordés de myrtes, de pins laricios ou de crêtes calcaires. Voici une sélection des itinéraires qu’il serait dommage de manquer, soigneusement foulés de mes pieds… et de mon cœur.
Le GR20 : le mythe à ciel ouvert
Difficile de commencer ailleurs. Le GR20 — ce géant que l’on chuchote avec respect entre montagnes et vallées — est sans doute le sentier le plus emblématique de Corse, et l’un des plus beaux (et exigeants) d’Europe. Traversant l’île du nord au sud, il relie Calenzana, près de Calvi, à Conca, au sud de Porto-Vecchio, sur environ 180 km.
Il n’est pas fait pour les promeneurs du dimanche : avec ses passages techniques, ses dénivelés aussi profonds que les émotions qu’il suscite, le GR20 se mérite. Mais il offre en retour une plongée brute dans l’âme corse. Imaginez : franchir les crêtes de plus de 2000 m, longer des lacs d’altitude frémissants de lumière, croiser des bergeries traditionnelles où un berger vous offrira peut-être un morceau de tomme encore tiède…
Il se parcourt généralement en 16 étapes, mais vous pouvez très bien n’en faire qu’une portion. La section entre Vizzavona et Asco, par exemple, est légèrement plus accessible et regorge de merveilles naturelles.
Le sentier des douaniers du Cap Corse
En contraste parfait avec la rude majesté du GR20, le sentier des douaniers serpente, paisiblement, le long du littoral nord de l’île, tout au bout du Cap Corse. Ici, pas de sommets à gravir, mais une succession de criques sauvages, de villages suspendus et de tours génoises échouées à flanc de falaises.
De Macinaggio à Centuri, le parcours prend environ 6 heures, selon votre rythme… et votre propension à vous arrêter toutes les dix minutes pour photographier les couleurs irréelles de la mer ou respirer le parfum iodé des immortelles.
Une anecdote ? À l’approche du petit port de Barcaggio, un âne en liberté s’est approché de moi, l’air de dire : « Toi aussi, tu suis le sentier ? » Moment suspendu dans le temps et sourire garanti.
Les Pozzines du Plateau du Cuscione
Direction le sud de l’île maintenant, dans l’Alta Rocca, pour une rando qui vous fera passer de la surprise à l’émerveillement. Le plateau du Cuscione offre un paysage unique en Europe : les pozzines. Ce sont des zones de tourbières verdoyantes, où des flaques d’eau s’égrènent comme des perles. Un terrain moelleux, presque magique, où paissent en liberté chevaux et vaches.
Le sentier balisé depuis Quenza permet une belle boucle d’environ 4 heures. C’est une balade accessible, idéale si vous voyagez en famille ou si vous voulez déconnecter tout en douceur. L’ambiance y est presque pastorale. En un mot : apaisante.
Les Aiguilles de Bavella, entre ciel et granit
Ah, Bavella… Un nom qui claque comme un orage sur la montagne. Ce massif sculptural, souvent surnommé les « Dolomites corses », est un incontournable pour tous les amoureux de roches acérées et de forêts profondes. Les Aiguilles jaillissent du maquis comme les pics d’un rêve minéral, défiant gravité et imagination.
Plusieurs boucles sont possibles depuis le col de Bavella, mais s’il ne fallait en faire qu’une, je recommanderais la boucle du Trou de la Bombe (4h aller-retour environ). Très accessible, elle vous mènera à une arche naturelle spectaculaire creusée dans la roche, point d’orgue d’une marche au milieu des pins laricios.
Et si vous êtes téméraire, aventurez-vous jusqu’au refuge de Paliri pour une immersion plus longue dans cet univers presque mystique.
La Restonica : la vallée aux reflets d’azur
Non loin de Corte, nichée au cœur du Parc naturel régional de Corse, la vallée de la Restonica est un écrin taillé pour les amoureux de lacs d’altitude et de rivières chantantes. Le sentier qui monte jusqu’aux lacs de Melo et Capitello est éprouvant… mais quel bijou à l’arrivée !
Comptez 4 à 5 heures aller-retour, avec un dénivelé non négligeable, surtout sur la fin entre échelles, chaînes et blocs rocheux. Mais là-haut, tout s’efface : le regard plonge dans l’azur des lacs cristallins, cerclés de pics acérés, souvent encore poudrés de neige jusqu’en juillet.
Petit conseil pratique : partez tôt. La vallée est très fréquentée en haute saison, et le calme du matin vous offrira une expérience bien plus intense.
Mare e Monti : entre mer et montagne, le cœur balance
Si vous hésitez entre littoral et montagne, ne choisissez pas. Le Mare e Monti (mer et montagne) relie les deux. Ce sentier de grande randonnée entre Calenzana et Cargèse, sur la côte ouest, alterne entre points de vue marins et villages perchés au charme fou.
Découpé en 10 étapes, il est moins engagé que le GR20 mais reste un beau défi physique. Chaque étape porte en elle une atmosphère propre : de la douceur parfumée de Galeria à la verticalité minérale d’Ota, au-dessus des gorges de la Spelunca.
Un soir, dans une auberge à Serriera, un vieux chanteur m’a appris quelques vers d’un chant polyphonique corse, entre un verre de myrte et un fromage odorant. Ce genre de moment, c’est aussi ça, randonner en Corse.
Quelques conseils pour savourer pleinement vos randonnées en Corse
Marcher en Corse, ce n’est pas une simple activité physique : c’est une immersion. Pour en profiter pleinement, quelques précautions et petites astuces :
- Climat : Les étés sont rudes, préférez le printemps ou l’automne pour marcher en toute sérénité.
- Équipement : Les sentiers sont souvent caillouteux et escarpés. Des bonnes chaussures, une poche à eau, un chapeau… et le tour est joué.
- Bivouac : Autorisé sous conditions à proximité de certains refuges, mais renseignez-vous au préalable. Et toujours, respectez la nature.
- Balisage : Si les sentiers majeurs sont bien balisés (rouge et blanc pour le GR20, orange pour le Mare e Monti), mieux vaut toujours garder une carte IGN ou une application GPS fiable à portée de main.
Et surtout… ouvrez vos sens. La Corse ne se traverse pas, elle se vit. Chaque pas peut être un enseignement. Chaque détour, une rencontre. Chaque silence, un dialogue muet avec le vivant.
Dans cette île fière et sauvage, même une simple montée devient un récit, et chaque sommet s’illumine d’une lumière généreuse. Que vous marchiez pour vous dépasser, pour admirer ou simplement pour respirer à pleins poumons, vous trouverez en Corse une alliée précieuse. Une compagne d’aventure et d’émotion.
Alors, à vos chaussures… Et que le vent du maquis vous accompagne !